ANTICIPER LA FIN DE L'EXPATRIATION DANS L'INDUSTRIE DU PETROLE
ANTICIPER LA FIN DE L'EXPATRIATION DANS L'INDUSTRIE DU PETROLE
Les principales difficultés juridiques de l’expatriation se manifestent lors du terme de l’expatriation, de la rupture du contrat d’expatriation et du retour en France.
C’est bien évidemment le cas pour les salariés et cadres expatriés intervenants dans l’industrie pétrolière.
La rupture du contrat d’expatriation engage l’entreprise (Home Country) à un rapatriement et à une réintégration.
Le rapatriement ne pose que très peu de difficultés, sauf éventuellement une question de timing dans le cadre du respect du droit à la vie privée et familiale.
Toutes les difficultés se concentrent sur le poste de réintégration en France. Quel niveau hiérarchique ? Quelles responsabilités ? Quelle rémunération ?
Nous allons voir ici comment réagir, comment accepter ou refuser le poste, et, in fine, comment bien négocier sa sortie des effectifs.
Une certitude : il ne faut jamais refuser par écrit et sans réserve un poste de réintégration. Il faut privilégier un flou stratégique afin de ne commettre aucune faute grevant toute négociation postérieure.
Après une analyse portant sur la stratégie à appliquer dans le cadre de la fin de l’expatriation, nous regarderons le très délicat et important calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement dans le cadre spécifique de la convention collective des industries du pétrole.
Les 2 étapes à respecter
1
Le retour d’expatriation et la négociation de départ dans l’industrie du pétrole
2
La convention collective de l’industrie du pétrole et le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement
Étape 1 : Le retour d’expatriation et la négociation de départ dans l’industrie du pétrole
La fin de l’expatriation ouvre une période d’incertitude. Bien souvent, aucun poste de réintégration n’existe au siège, en France.
La convention collective de l’industrie du pétrole ne prévoit rien au sujet du retour d’expatriation, et du poste de réintégration, contrairement à la convention collective de l’industrie pharmaceutique et l’ancienne convention collective de la métallurgie.
Les deux références seront donc le contrat d’expatriation, et le Code de travail avec l’article L.1231-5.
Ainsi, et dans le cadre du poste de réintégration, l’entreprise française va étudier différentes solutions, plus ou moins légales :
- Une mission d’attente, avec éventuellement un coaching ;
- Un licenciement économique pour défaut de poste ;
- Une placardisation (pouvant constituer un harcèlement moral) ;
- Un poste fictif, appuyé par une fausse fiche de poste ;
- Un poste de réintégration conforme en matière de niveau hiérarchique et en matière de rémunération.
Evidemment, seule cette dernière solution s’intègre dans un cadre légal.
Communément, plusieurs risques ressortent de ces situations :
Le 1er risque réside dans le refus direct d’un poste proposé, refus amenant l’entreprise à prononcer un licenciement pour cause réelle et sérieuse, voire pour faute grave.
Le 2ème risque réside dans l’acceptation d’un poste placard dans l’attente d’un éventuel poste. Cette stratégie est à éviter, car plus le temps passe, plus le bénéfice du calcul des indemnités de départ sur le salaire d’expatriation se dilue, outre le risque non négligeable de bore-out et de risques psycho-sociaux.
Le 3ème risque est un risque antérieur à l’obligation de réintégration. Il réside dans la démission, par le salarié expatrié, de son contrat local, signé dans le pays d’expatriation ou de détachement. Cette démission peut engendrer automatiquement la rupture du contrat français, que ce dernier soit suspendu ou non.
Il est donc préférable d’anticiper au mieux la fin de l’expatriation, idéalement 6 mois avant, afin de consolider le dossier et de pousser les ressources humaines discrètement à la faute.
Par ailleurs, il est toujours préférable de ne pas refuser frontalement et par écrit un poste, mais plutôt d’entretenir un flou stratégique afin de pouvoir consolider une position juridiquement sérieuse.
Quelques rares décisions de jurisprudence sont venues clarifier la situation des expatriés dans le cadre de la convention collective de l’industrie du pétrole, en ce compris la Cour d’appel de Versailles (dans un dossier contre la société TOTAL SA), la Cour d’appel de Paris (dans un dossier contre la SA SOCIÉTÉ DE MANUTENTION DES CARBURANTS AVIATION (SMCA), et la Cour d’appel de PAU (dans un dossier contre la SAS SOCIETE DES PETROLES SHELL, devenue depuis SHELL France).
Il convient enfin d’avoir une attention particulière sur la fiscalité internationale, et l’application des conventions fiscales bilatérales, sur les cotisations retraite, et sur la structuration internationale du groupe pétrolier.
Étape 2 : La convention collective de l’industrie du pétrole et le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement
La Convention collective nationale de l’industrie du pétrole du 3 septembre 1985 régissant tous les salariés ayant vocation à travailler dans l’industrie du pétrole (extraction, recherche, raffinage, distribution) ne contient pas de disposition spécifique à l’expatriation, contrairement à la convention collective de l’industrie pharmaceutique ou la convention collective des cadres des travaux publics.
Cependant, l’article 311 de la convention collective de l’industrie du pétrole prévoit les modalités de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement
« Après 1 an d’ancienneté dans l’entreprise, il sera alloué aux ingénieurs ou cadres congédiés, sauf pour faute grave de leur part, une indemnité distincte du préavis, tenant compte de leur ancienneté dans l’entreprise et s’établissant comme suit :
3/10 de mois par année d’ancienneté pour la tranche de 0 à 5 ans ;
5/10 de mois par année d’ancienneté pour la tranche de 5 à 10 ans ;
10/10 de mois par année d’ancienneté pour la tranche au-delà de 10 ans.
Toutefois, l’indemnité de congédiement résultant du barème ci-dessus ne pourra dépasser 24 mois. »
Le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement est donc très avantageux en comparaison au calcul de l’indemnité légale notamment.
Le plafond est fixé à 24 mois (contre 18 mois dans la métallurgie).
L’objectif du cadre expatrié va être d’augmenter en maximum son salaire de référence permettant le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement. Autrement dit, il ne faudra pas tenir compte de l’hypothétique salaire de référence en France, mais bien du salaire d’expatriation, primes comprises, le tout augmenté des avantages en nature (logement, véhicule, et éventuellement les bénéfices issus de la clause de tax equalization).
Le salaire de référence est défini, par la convention collective de l’industrie du pétrole, comme suivant :
« c) Les appointements pris en considération pour le calcul de l’indemnité de congédiement seront ceux du dernier mois, correspondant à l’horaire habituel de travail de l’établissement, à l’exclusion des gratifications de caractère exceptionnel et des sommes versées à titre de remboursement de frais. Si l’horaire de travail a été sujet à des fluctuations au cours des 12 mois précédant le licenciement, le calcul sera basé sur l’horaire habituel moyen de ces 12 derniers mois (1).
En cas de rémunération variable, la partie variable de cette rémunération sera calculée sur la moyenne des 12 derniers mois. »
L’augmentation du salaire de référence permet d’augmenter corrélativement tant le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement que celui des dommages-intérêts. Dans le cadre de l’application de l’article L.1231-5, cela permet aussi d’augmenter le montant du préavis et des mois de salaires perçus post-expatriation dans la situation ou aucun poste de réintégration n’ait été présenté.
Le montant de l’indemnité conventionnelle peut ainsi passer du simple au triple.
Un dossier bien préparé permet, suite à une convocation à un entretien préalable de licenciement, puis à un licenciement, d’intenter une procédure par devant le Conseil de prud’hommes tout en lançant, en parallèle, une négociation amiable, aux fins transactionnelles.
Les sujets des retraites (CFE), des cotisations chômage (France travail), de la portabilité de la mutuelle, des régimes d’optimisation sociale et fiscale, du droit du travail dans le pays d’expatriation, du domicile fiscal, du sort des stock-options, actions de performance et RSU, de la répartition internationale du pouvoir d’imposition à l’impôt sur le revenu, des rappels sur l’indemnité conventionnelle de licenciement et sur le préavis, devront être traités conjointement.
Tout est donc une question de timing et de technicité.
L’accompagnement par un avocat intervenant en droit du travail maîtrisant le secteur pétrolier peut être nécessaire.
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